Guenet cité dans le Tiers-Livre de François Rabelais.

Date : mercredi 26 mars 2008 @ 17:59:58 :: Sujet : Mentions historiques sur Guenet

LE TIERS LIVRE

DES FAICTS ET DICTS

Héroïques du bon Pantagruel

Composé par M. Fran.Rabelais docteur

en Medicine.

Revue, & corrigé par l'Autheur, sus la censure antique.

L'A U T H E U R S U S D I C T

supplie les Lecteurs benevoles, soy reserver à  rire au soixante dixhuytiesme Livre.

A PARIS

De l'imprimerie de Michel Fezandat

S. Hilaire, à  l'hostel d'Albret.

1552

Avec privilège du Roy.

François RABELAIS



 

à  l'esprit de la royne de Navarre.

Esprit abstrait, ravy, & ecstatic,
Qui frequentant les cieulx, ton origine,
As delaissé ton hoste & domestic,
Ton corps concords, qui tant se morigine
tes edictz, en vie peregrine
Sans sentement, & comme en Apathie:
Vouldrois tu poinct faire quelque sortie
De ton manoir divin, perpetuel?
Et ça bas veoir une tierce partie
Des faictz ioyeux du bon Pantagruel?


Extrait ...


Comment braguette est première pièce de harnois entre gens de guerre.

Chapitre VIII.

Voulez vous, dist Pantagruel, maintenir que la braguette est pièce première de harnois militaire? C'est doctrine moult paradoxe & nouvelle. Car nous disons que par esprons on commence soy armer.

Ie le maintiens respondit Panurge: & non à  tord ie le maintiens. Voyez comment nature voulant les plantes, arbres, arbriseaulx, herbes, & Zoophytes une fois par elles créez, perpetuer & durer en toute succession de temps, sans iamais deperir les espèces, encores que les individus perissent, curieusement arma leurs germes & semences, es quelles consiste icelle perpetuité, & les a muniz & couvers par admirable industrie de gousses, vagines, testz, noyaulx, calicules, coques, espiz, pappes, escorces, echines poignans: qui leur font comme belles & fortes braguettes naturelles. L'exemple y est manifeste en Poix, Febves, Faseolz, Noix, Alberges, Cotton, Colocynthes, Bleds, Pavot, Citrons, Chastaignes: toutes plantes generalement. Es quelles voyons apertement le germe & la semence plus estre ouverte, munie, & armée, qu'autre partie d'icelles. Ainsi ne pourveut nature à  la perpetuité de l'humain genre. Ainsi crea l'homme nud, tendre, fragile, sans armes ne offensives, ne defensives, en estat d'innocence & premier aage d'or, comme animant, non plante: comme animant (diz ie) né à  paix non à  guerre: animant né à  ouissance mirificque de tous fruictz & plantes vegetables, animant né à  domination pacificque sus toutes bestes. Advenent la multiplication de malice entre les humains en succession de l'aage de fer, et rêgne de Iuppiter la terre commença à  produire Orties, Chardons, Espines, & telle autre manière de rebellion contre l'homme entre les vegetables: d'autre part, presque tous animaulx par fatale disposition se emancipèrent de luy, & ensemble tacitement conspirèrent plus ne le servir, plus ne luy obeir, en tant que resister pourroient, mais luy nuire scelon leur faculté & puissance. L'homme adoncques voulant la première iouissance maintenir & sa première domination continuer: non aussi povant soy commodement passer du service de plusieurs animaulx, eut necessité soy armer de nouveau.

Par la dive Oye guenet (s'escrya Pantagruel) depuys les dernières pluyes tu es devenu grand lifrelofre, voyre diz ie Philosophe.

Considerez (dist Panurge) comment nature l'inspira soy armer, & quelle partie de son corps il commença premier armer. Ce feut (par la vertus Dieu) la couille, & le bon messer Priapus, quand eut faict: ne la pria plus. Ainsi nous le tesmoigne le capitaine & philosophe Hebrieu Moses, affermant qu'il se arma d'une brave & gualante braguette, faicte par moult invention de feueilles de figuier: les quelles sont naïves, & du tout commodes en dureté, incisure, frizure, polissure, grandeur, couleur, odeur, vertus, faculté pour couvrir & armer couilles: Exceptez moy les horrificques couilles de Lorraine, les quelles à  bride avallée descendent au fond des chausses, abhorrent le mannoir des braguettes haultaines: & sont hors toute methode: tesmoing Viardière le noble Valentin, lequel un premier iour de May, pour plus guorgias estre, ie trouvay à  Nancy, descrotant ses couilles extendues sur une table comme une cappe à  l'Hespaignole. Doncques ne fauldra dorenavant dire, qui ne vouldra improprement parler, quand on envoyra le franc taulpin en guerre, Saulve Tevot le pot au vin, c'est le cruon. Il fault dire, Saulve Tevot le pot au laict, ce sont les couilles: de par tous les diables d'enfer. La teste perdue, ne perist que la persone: les couilles perdues, periroit toute l'humaine nature. C'est ce que meut le gualant Cl. Galen, lib.1. de spermate, à  bravement conclure, que mieulx (c'est à  dire moindre mal) seroit, poinct de coeur n'avoir, que poinct n'avoir de genitoigenitoires. Car là  consiste comme en un sacré reposoir le germe conservatif de l'humain lignage. Et croieroys pour moins de cent francs, que ce sont les propres pierres, moyenans lesquelles Deucalion & Pyrrha restituèrent le genre humain aboly par le deluge Poétique. C'est ce qui meut me vaillant Iustinian lib. 4. de cagotis tollendis, à  mettre summum bonum in braguibus & braguetis.

Pour ceste & aultres causes le seigneur de Merville essayant quelque iour un harnoys neuf, pour suyvre son Roy en guerre (car du sien antique & demy rouillé plus bien servir ne povoit, à  cause que depuys certaines années la peau de son ventre s'estoit beaucoup esloingnée des roignons) sa femme consydera en esprit contemplatif, que peu de soing avoit du pacquet & baston commun de leur mariage, veu qu'il ne l'armoit que de mailles, feut d'advis qu'il le munist tresbien & gabionnast d'un gros armet de ioustes, lequel estoit en son cabinet inutile. D'icelle sont escriptz ces vers on tiers livre du Chiabrena des pucelles.

Celle qui veid son mary tout armé,
Fors la braguette aller à l'escarmouche,
Luy dist. Amy, de paour qu'on ne vous touche,
Armez cela, qui est le plus aymé.
Quoy? tel conseil doibt il estre blasmé?
Ie diz que non: Car sa paour la plus grande
De perdre estoit, le voyant animé,
Le bon morceau, dont elle estoit friande.

Desistez doncques, vous esbahir de ce nouveau mien acoustrement.


FIN DU TROISIEME

livre des faicts & dicts Heroïcques

du bon Pantagruel.








Cet article provient de Sur la trace des Guenet autour du monde

L'URL pour cet article est : http://guenester1.mutu.firstheberg.net/lesguenet//article.php?sid=17