LETTRE
CIRCULAIRE de la REVERENDE MERE MARIE de SAINT-IGNACE, PREMIERE
SUPERIEURE de L'HOTEL-DIEU
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Le 5e novembre 1646,
la Mère Marie de Saint-Ignace, Religieuse Hospitalières
de la Miséricorde de Jésus, mourut saintement en son
monas-tère par elle établi en l'Hôtel-Dieu de
Québec, pays de la Nouvelle-France, cinq jours après
que les navires furent partis pour leur retour en France. Elle
laissa à tout le pays un regret extrême de sa mort
et une haute estime
de
sa vertu.
Elle
était âgée de 36 ans dont elle en avait consommé
22 en religion, elle donna les sept dernières années
à l'hôpital du Canada le gouvernant avec une singulière
prudence six ans entiers, puis employant le dernier pour se
disposer à une sainte mort par un martyr de diverses maladies.
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Elle
avait l'esprit très vif, le jugement fort bon, la naturel
coura- geux, libéral et charitable. Elle était
native de Rouen, fille de Mr Guenet, marchand. Dès sa
première jeunesse, demeurant encore en la maison de son
père, elle ne pouvait voir un pauvre sans en avoir compassion
et sans un violent désir de l'assister: elle importunait
sans cesse ses parents de leur faire l'aumône; et sitôt
qu'elle avait congé, elle courait chercher leurs nécessités,
et se jetait sur tout ce qu'elle trouvait et rencontrait en la
maison pour précieux qu'il fût. Elle se portait dès
ce temps-là avec une extrême ferveur ! la prière,
et fallait souvent que sa mère la détournât
par violence. Elle souhaitait avec passion de rencontrer un
hôpital bien réglé et où l'observance
régulière se gardât avec la c1ôture, afin
d'y ex- ercer ensemble la vie religieuse et la charité
envers les pauvres de Jésus- Christ, car c'était
là toutes ses délices.
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Notre-Seigneur
lui accorda l'exécution de son désir, car comme elle
était en cette disposition, un Père de la Compagnie
de Jésus lui parla
de l'Hôpital
de Dieppe et de la réforme qui s'y était faite, du
beau régle- ment et de la c1ôture qu'on y gardait,
de la charité qu'on y exerçait en- vers les pauvres;
elle fut ravie de cette rencontre, et importuna tant son père
et sa mère qu'il lui accordèrent d'y être religieuse.
Sa mère la me- nant à Dieppe trouva que la peste
était dans la ville et dans le couvent, d'où
l'on avait tiré partie des Religieuses pour les sauver du
danger.
Elle
la voulut ramener chez elle; mais il lui fut impossible de lui faire
consentir. Elle aima mieux d'être avec les pauvres de
Jésus-Christ en danger de peste et de mort , que de
se voir en danger de sa vocation par le retardement qui souvent
en perd plusieurs.
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Etant
en son Noviciat il fallut que sa maitresse veillât continuelle-
ment sur elle, afin de réprimer son ardeur aux exercices
de dévotion. Elle aimait uniquement les offices les
plus bas, et demanda avec instance d'être sœur converse,
mais on ne voulut jamais lui accorder, ny priver cette com-
munauté des talents que Notre-Seigneur lui avait communiqués
pour les pre- mières charges. Elle fit ses voeux, après
lesquels elle continua ses fer- veurs. Elle ne s'excusait jamais
quand on lui disait ses fautes, quoique
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